Cette crise sanitaire n’a pas fini de rejeter sur les plages ou mieux sur les places de notre société suffisante les bois flottés, les laissés pour compte de nos aveuglements. Dieu étant mort, la politique étant tombée avec le Mur de Berlin, les sources de notre « croire » se sont taries. Il nous reste le « Dieu-science »? Mais qui dit la science : les scientifiques ou les industriels du « digest audiovisuel » adoubés par les politiques? La science ainsi mise en scène et instrumentalisée a exposé au grand jour ses limites et a paradoxalement affirmé son autorité. Dans ce climat d’incertitude, forts de l’émotion générée par le discours de tel ou tel expert, nous considérerons comme vrai ce qui est en phase avec nos préjugés, nos attendus. Comme le montre dans son livre le philosophe Camille Riquier* notre crédulité est le fruit d’un « croire faible » et d’un « doute faible ». Ainsi, la voie est libre pour l’acceptation non critiquée de cette « vérité » instrumentalisée. La vérité scientifique nous enferme dans un savoir certes en expansion mais toujours limité voulant rendre le monde toujours plus à notre disponibilité. Ne sommes-nous fondamentalement prêts à vivre d’une vie paramétrée, normalisée en acceptant notre propre disponibilité?
L’égoïsme rationnel et libertaire ambiant, politiquement accompagné porte des coups de boutoirs significatifs contre l’indisponibilité des « plus faibles » d’entre nous. La fermeture des portes des EHPAD durant cette crise en a été un exemple criant. Elle montre notre incapacité à considérer que la vie de l’autre ne se limite pas à sa biologie nue. Par cette cécité nous considérons que nous pouvons disposer de l’autre. Il en est de même pour les débuts de la vie. Ne veut-on pas considérer comme justification d’une IMG (Interruption Médicale de Grossesse) les risques psychosociaux et ce jusqu’au dernier terme ? Nous voici devant le « no limite » de notre « INsolidarité ». Il en est de même pour l’IVG avec l’augmentation de son délai légal et la volonté de ne pas considérer cet « acte comme à part » remettant en cause la clause de conscience des professionnels.
Ne veut-on pas in fine vider le soin de toute anthropologie ?
Dr. Bertrand GALICHON
* « Nous ne savons plus croire », 240 pages, Desclée de Brouwer, 2020