«Blessante» et «injuste» : la décision du Conseil d’État plonge les catholiques dans l’incompréhension
La conférence des évêques «ne va pas appeler à l’illégalité», mais plusieurs évêques dénoncent le maintien de l’interdiction des messes qui «remet en cause la liberté de culte».
La déception est lourde dans le monde catholique devant le refus du Conseil d’État d’accorder les messes publiques catholiques pendant le second confinement mais la conférence des évêques « ne va pas appeler à l’illégalité », a confirmé dans la soirée de samedi 7 novembre, Vincent Neymon, porte-parole de l’épiscopat. Elle « se conforme à la décision du juge administratif » du Conseil d’État qu’elle avait sollicité comme « arbitre » pour « contester » le fait de l’interdiction des messes publiques, il ne s’agit donc pas de « désobéir » à présent ou de « réfuter » mais de se « conformer » à cette décision.À LIRE AUSSI : Interdiction des cultes publics : le Conseil d’État rejette le référé liberté déposé par l’Église catholique
« Nous respectons le cadre de la loi » a confirmé pour sa part le secrétaire général de l’épiscopat, le Père Hugues de Woillemont et « nous allons rester dans le cadre de loi », insistant plutôt sur le « dialogue qui se poursuit » avec le premier ministre et le ministre de l’intérieur. L’épiscopat catholique français, en tant que tel, avait en effet déposé un référé – ce qu’il n’avait pas fait au printemps – pour demander le retour des messes publiques pendant le confinement.
Une prise de position officielle de l’Église de France à ce sujet devait arriver dans la soirée. Les deux hommes s’exprimaient à chaud, samedi soir, quelques minutes après le résultat du référé au Conseil d’État lors d’une conférence de presse prévue de longue date, en conclusion de l’assemblée d’automne des évêques qui devait se tenir à Lourdes et qui s’est déroulée en visioconférence.
Mgr Rey n’exclut pas un recours
Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président des évêques devrait également aborder ce sujet dans son discours de clôture d’assemblée qui sera retransmis sur KTO, dimanche matin à 9h.
Mgr Dominique Rey, évêque de Toulon, l’un des prélats qui avait déposé au nom de son diocèse, un référé, n’exclut pas de déposer un recours : « Nous prenons acte de la décision du Conseil d’État. Elle peut engendrer chez beaucoup incompréhension et souffrance. Face à la mise en cause de la liberté de culte, les catholiques ne peuvent se rendre à la célébration eucharistique qui est source et sommet de la vie chrétienne. Nous prenons note de cette décision en nous engageant dans toutes les mesures de recours. Plus que jamais notre société a besoin de Dieu pour affronter les craintes et les incertitudes qui pèsent sur notre époque. »
Refuser l’expression de la foi est une atteinte aux personnes dans ce qu’elles ont de plus cher.Mgr Bernard Ginoux
Son confrère de Montauban, Mgr Bernard Ginoux, déplore fortement quant à lui le refus du Conseil d’État : « Cette mesure est blessante et injuste. L’absence de messes touche la foi des catholiques. Le gouvernement pouvait l’éviter d’autant que ce samedi matin, à Nice, Monsieur le Premier Ministre a rappelé que la liberté de culte était fondamentale. Comme évêque je déplore que la ‘vox populi’ catholique ne soit pas entendue. Refuser l’expression de la foi est une atteinte aux personnes dans ce qu’elles ont de plus cher. »À LIRE AUSSI : Messes publiques: comment la Conférence des évêques de France s’est décidée à agir
Car, considère-t-il, la messe n’est pas remplaçable par la messe en vidéo : «Pour les catholiques la messe est vitale. Elle est ma rencontre réelle avec le Christ vivant, même si je ne communie pas à son corps. À plus forte raison quand je le reçois comme ‘pain vivant’, ‘nourriture pour la vie éternelle ‘».
Cette décision représente donc selon lui « une grande peine, non pas seulement personnelle, mais aussi pour les fidèles qui ont besoin de participer à l’eucharistie. » D’autant que « cette peine est injuste quand on considère que pour les célébrations catholiques nous avons appliqué les ‘gestes-barrière’ et suivi les consignes sanitaires. Par ailleurs la plupart de nos églises sont suffisamment grandes pour établir la distance voulue entre les fidèles. Nous constatons en revanche que, dans de nombreux lieux, celle-ci n’est pas vraiment respectée comme dans les établissements scolaires, les transports en commun, les supermarchés, etc.… Et ne parlons pas de la vie dans certains quartiers de nos villes ! »
Beaucoup de fidèles et de prêtres sont également choqués : ainsi Geneviève Chotard, 22 ans, à l’origine d’une pétition sur le web « pourlamesse.fr » qui a recueilli plus de 100 000 signatures en une semaine : « C’est évidemment une immense déception, pour nous et pour les plus de cent mille signataires de la pétition, d’autant plus que cette décision intervient quelques heures après l’hommage aux victimes de l’attentat de Nice, dirigé contre des catholiques où le premier ministre Jean Castex a d’ailleurs défendu la liberté de culte. Nous prenons acte de la décision mais nous assurons que nous continuerons à nous battre pour la liberté du culte, forts de nos plus de 100 000 soutiens. »
Jean-Benoît Harel avec qui Geneviève Chotard a lancé cette pétition se veut cependant optimiste car il estime que la décision du Conseil d’État « oblige le gouvernement à ouvrir une concertation avec les représentants des cultes » avant « le 16 novembre », ce qui créé, estime-t-il, « les conditions pour faire évoluer les restrictions actuelles. Il s’agit, concrètement, de travailler de concert à l’établissement d’un nouveau protocole sanitaire permettant de concilier la liberté de culte avec l’objectif de protection sanitaire. »La rédaction vous conseille