Le témoignage d’une jeune femme qui autorise à ce que sa lettre soit diffusée :
Remplie de douleur et de colère, je viens vous confier mon cri et mes larmes : mon papa, J., s’est fait euthanasier il y a moins d’un mois chez lui. Il a voulu mourir après 16 ans d’une maladie génétique neuro-dégénérative. Je suis d’ailleurs moi aussi atteinte de cette maladie dont les symptômes se sont manifestés dès mes 17 ans. J’ai aujourd’hui 27 ans.
Dans les lignes qui suivent je voudrais vous livrer mon témoignage mais aussi vous interpeller car j’ai besoin de votre Lumière et de vrais témoins du Christ. J’ai besoin d’être soutenue dans mon OUI prononcé en faveur de la vie.
Cette ouverture du cœur ne sera peut-être qu’une goutte d’eau, mais elle aura eu le mérite d’être POUR Jésus, POUR l’Amour et d’être aussi une flamme de Vie et d’Espérance dont on a TOUS tant besoin. Au cœur des ténèbres, la Lumière est toujours plus forte !
Oui, mon cœur saigne.
Papa, ma famille, l’Église… tellement de coups !
A travers mes joies et mes peines, à travers mes combats parfois intolérables, j’ai en moi une soif immense de vivre… Découvrir et goûter que je suis une fille tant aimée du Père, quelle libération, quelle paix et quelle joie saintes.
Comme de nombreux enfants, jusqu’à mes 11 ans j’ai beaucoup reçu. Par après, j’ai fait mon chemin seule dans la foi. Tant au niveau familial (4 frères et sœurs et ma maman) qu’amical, les provocations sont très nombreuses (Lc 12,51-53). Ces confrontations, souvent épuisantes et régulières, ont eu le mérite de maintenir ma foi vivante et de faire du Christ mon plus grand confident, ma Lumière et mon Espérance.
Tant de fois, je demande à Jésus de transformer tous mes jugements en Amour (Luc 6,37). Je ne sais que trop comme le désespoir peut être grand et puissant.
Aussi, souvent, je crois, les “médecins” qui recourent à l’euthanasie sont animés d’un désir d’amour, d’écoute et de respect. Mais la mort n’est pas une solution. Ne devrions-nous pas justement être un témoignage d’espérance et de vie ? Croire qu’un chemin est toujours possible ! La résurrection nous le montre.
Avant la demande d’euthanasie de mon papa, j’étais comme la plupart des catholiques : je faisais partie de ceux qui ne sont ni pour ni contre car, « il faut respecter le choix de chacun, ne pas brusquer ». Aujourd’hui, l’ayant vécu de près, je rejette ce compromis et cette fadeur d’antan. Cette tolérance me glace !
Oui, la souffrance est souvent si dure et intolérable, et personne n’est épargné ! Mais la Croix, toute la Passion me montre une invitation réelle à l’accueillir ! Jésus, la sachant, n’a rien rejeté…
Aujourd’hui, l’euthanasie m’apparaît comme un horrible crime. Et c’est sans doute de là que naît ce désir de faire bouger les choses, de secouer les cœurs endormis comme le mien a été réveillé. C’est trop important !
Depuis le déclenchement de ma maladie, je me bats à chaque instant pour choisir de vivre, choisir de croire, choisir d’aimer. Tant de fois, je tombe et n’y arrive pas. Le désespoir, le découragement, les peurs, l’orgueil sont tellement présents… La Vie est un combat quotidien. C’est si dur de choisir de croire, de choisir d’aimer ! CETTE AUDACE DE LA VIE !
Oui, ce chemin de Dieu est parfois si escarpé, exigeant et difficile à RE-choisir. Mais il est tellement rempli d’Espérance, de Foi et d’Amour, qu’en m’abreuvant à cette magnifique source de Vie, je ne peux me taire.
Ma maladie me grignote : je perds l’équilibre, la vue, la parole, jusqu’à une mort rapide ou lente, quand et comment ? Incertitude totale ! Et quand le verdict est tombé, quel désespoir ! À 17 ans, avec une immense soif de vivre, tant de rêves… Tout s’effondrait. Comme si tout le monde avançait tandis que, pour moi, il n’y avait qu’un gros boulet qui me tirait dans le vide, et rendait tout impossible. Aucun traitement… L’avenir m’était totalement non-planifiable !
C’est ici que mon amitié avec Jésus et toute mon histoire jusqu’à aujourd’hui, m’ont appris petit à petit à offrir tout cela, à mettre tout l’Amour que je peux dans ce quotidien, parfois si difficile. J’apprends à vivre ma vie avec Jésus.
Remplie de Paix, d’Amour et d’Espérance, j’apprends à savourer ces petits bonheurs simples, donnés et tellement indispensables… Je ris, serre dans mes bras, je pleure, je prie, j’espère, je partage, J’AIME ! Ainsi, plus je « dégénère » et sens la vie « objectivement » s’échapper, plus je me sens VIVRE… La vie, c’est peut-être tout simple, en fait !!! LE regarder et L’accueillir TEL QU’il se révèle est une telle libération et consolation.
La question finalement n’est peut-être pas tant de trouver une solution à la souffrance, car il n’y en a peut-être pas. Poser ce geste de mort par euthanasie n’est pas une solution. Ce n’est qu’un refus total de la réalité et surtout un refus total du secours des autres, du secours de l’Autre, Dieu.
La seule chose alors que j’ai sans doute à faire, c’est d’accueillir cette vie et la rendre la plus belle possible ! Je ne peux éviter de souffrir, mais je peux décider du COMMENT VIVRE cette souffrance. Dans l’accueil de la Croix, Jésus me le témoigne.
Seule, je n’y arriverai pas ! Une croix ne se porte pas seul ! Jésus lui-même nous l’a montré. J’ai besoin, on a TOUS besoin, d’être entourée et accompagnée.
Nous avons besoin de pasteurs enracinés, de guides confiants qui nous rappellent qu’un chemin est possible et qui m’invitent à laisser Dieu me transformer. Jusqu’au dernier souffle, Dieu peut nous transformer !
Le médecin qui a injecté le produit létal à papa s’est comparée à « Marie au pied de la Croix ». Mensonge qui me révolte. Contemplons Marie, sa compassion a beaucoup à nous apprendre. Ce médecin, utilisant le « label » catholique, diffuse sa tromperie par monts et par vaux. Comme il est tentant d’entrer dans son désespoir et de croire que la seule solution, c’est, en effet, de tout arrêter… Aujourd’hui, je voudrai crier au monde : « Arrêtons de croire que la seule solution à la souffrance, c’est se donner la mort ! »
Avec tout ça dans le cœur, mon père a demandé l’euthanasie. Vous imaginez mon incompréhension et ma profonde colère. Vous imaginez le chemin de prières, d’espoir, d’Amour mais aussi de combats intenses qui a commencé il y a 16 ans et qui s’est particulièrement intensifié au cours de ces deux derniers mois.
La mort sur commande et organisée à la seconde près de mon père m’a traumatisée, d’autant plus que cela était perçu comme presque normal et accepté pour tant de monde, tant de mes proches. Souhaitable même parfois…
Après seulement quelques rencontres, le médecin « catholique » a aidé Papa pour son « suicide », la pièce de théâtre pouvait commencer. Ça ne choquait personne…
Papa a passé sa dernière journée en « famille », sa dernière journée seul et son dernier repas, nous avons eu un temps d’échange avec les deux médecins « catholiques » et le prêtre de la paroisse. Tous les 3 sont ensuite montés dans la chambre de papa pour l’euthanasier. Maman, mes frères et ma sœur et moi-même sommes restés en bas. Cette mascarade de 3 jours, parfaitement orchestrée par quelques catholiques et qui ne choquait personne, m’a tellement terrorisée. On va piquer un chien… Non, c’est une personne, c’est un enfant de Dieu !
En lui disant au revoir avant qu’il ne monte dans sa chambre se faire euthanasier, je pleurais tellement. J’avais dans le cœur en continu : « Si tu savais le don de Dieu… »
Quand je l’ai vu mort sur son lit, j’ai eu des nausées, je criais, je pleurais si fort… « Il l’a fait ! », « il a piétiné Jésus… », « Seigneur, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! ». Parfois, je pense que mon cri et mes larmes étaient mélangées aux Siennes…
A présent, à la grâce de Dieu, je suis très bien entourée et je peux goûter à la force de la prière et des amitiés profondes et ancrées dans le Christ… La Lumière est toujours plus forte !
Mais je dois reconnaître mon grand désarroi face à certains catholiques belges… La fadeur et l’ignorante tolérance voire indifférence de certains me laissent bouillonnante de révolte.
Il s’agit de dire et redire, comme l’a fait le Pape récemment, que se dire catholique et pratiquer l’euthanasie est absolument INCOMPATIBLE. C’est aussi votre devoir comme chrétien de le dire haut et fort !
Et les soignants et les visiteurs des malades devraient en être convaincus.
Comment ferai-je, moi, quand je deviendrai encore plus dépendante, que j’aurai encore plus besoin de tout ce corps médical et d’un accompagnement spirituel ? Comment ferai-je si je ne trouve que des personnes fades et désespérées et qui pensent que ma seule issue c’est la mort provoquée ?
Protégez-moi, soutenez-moi pour que toujours mon OUI à Jésus soit au cœur de ma vie !
Bruxelles, décembre 2020
Belgicatho.be