Après ces temps d’agitations éthico-médiatiques de ces dernières semaines et en attendant de nouveaux orages, il est bon de prendre de la distance et de se poser la question de l’implication de chacun d’entre nous.

Au moment où nous vivions les affaires Bonnemaison et Lambert, le CCMF(Centre Catholique des Médecins Français) terminait de préparer la dernière édition de la revue « Médecine de l’Homme » avec pour son dossier : sommes nous eugénistes ?

Au début de notre réflexion, il y a un an, nous avons rapidement abandonné la question : sommes-nous dans une société eugéniste ? Comme si notre conduite nous était encore dictée par une « autorité » supérieure faisant référence à des régimes totalitaires du XX° siècle. Est-il honnête de comparer à cet égard notre société dite « libérale » avec ces tristes régimes ? Et pourtant, nous sommes effectivement dans une société eugéniste. Qui oserait le nier ?

Mais, poser la réflexion en ces termes laisse entendre que notre responsabilité n’est pas impliquée, que nous ne participons pas de ce mouvement. Nous ne sommes pas responsables donc pas coupables, car engagés dans un mouvement imposé.

Poser la question en ces termes c’est ne pas tenir compte que les décisions de vie ou de mort sont aujourd’hui prises dans un colloque singulier famille médecin. En regardant nos pratiques quotidiennes, il nous est vite apparu que la question posée en ces termes n’est pas ajustée à la réalité.  « Sommes nous eugénistes ? » permet d’appréhender le nouveau paradigme qui s’impose. Nous sommes passés pour différentes raisons de façon imperceptible en quelques décennies d’un eugénisme d’Etat condamné à un eugénisme individuel totalement accepté. Regardons en toute objectivité ce qui se produit avec la trisomie 21. Et j’ai envie de demander à qui le prochain ?

Notre société met en place les conditions qui permettent à l’individu d’endosser en toute innocence la responsabilité eugéniste. La science dans sa « vérité » et les techniques nous ouvrent chaque jour de nouveaux possibles. Et en l’absence de transcendance, le droit dans sa primauté ne nous dit pas le moralement nécessaire mais seulement l’interdit et l’autorisé, le légal et l’illégal à un moment donné. Et parfois, comme dans l’affaire Bonnemaison, ce même droit a été emporté par les flots d’une émotion orchestrée au mépris des victimes, de leurs familles, des soignants et de l’intéressé lui-même. Docteur Bonnemaison vous n’avez rien fait ! L’émotion ne fonde pas un jugement. Le moins-disant éthique met à mal la cohérence de notre humanité.

En tant que Chrétiens, étant de ce monde, la lecture de notre cohérence humaine lue à travers celle de la Révélation doit venir sans cesse interroger nos pratiques susceptibles de glissements eugénistes. Il est de notre devoir de proposer à notre monde les termes de ce dialogue ouvert entre Foi et Raison au-delà de l’émotion fugace d’un instant. Notre responsabilité se joue dans cette vigilance chaque jour remise à l’ouvrage.