Alors que la proposition de loi sur la fin de vie a été adoptée en Commission des affaires sociales, le Dr Bertrand Galichon, président du Centre catholique des médecins français, revient sur les points essentiels de ce texte : la médecine palliative, la sédation et les directives anticipées.
Nous faisons tous l’expérience toujours renouvelée de constater qu’une vie vient se concentrer et dire toute sa vérité dans ses derniers instants. Y sommes-nous toujours ajustés ? Ne voulons-nous pas en garder toute la maitrise ? Une fois encore prenons le temps, le soin d’écouter ce que nous en dit François Cheng à travers ses « Cinq méditations sur la mort ». La fin de vie est un accomplissement. Une fin de vie, toujours mystérieuse et grave, est apaisée quand nous considérons intimement que les temps sont accomplis.
Volonté de maitrise de la complexité
Nous sommes devant la troisième révision de cette loi de prévention de l’acharnement thérapeutique. Elle nous invite à un dessaisissement, à accepter la limite de notre pouvoir thérapeutique. Ne sommes-nous pas crispés car impuissants devant la complexité des situations ? Il se joue devant nous un mystère, un indicible. Nous avons tendance à céder à la tentation de simplifier les situations, nous donnant l’illusion de les rendre plus maitrisables. Cet espace de responsabilité ouvert pour nous tous va à l’encontre de l’esprit ambiant enclin à une scientifique maitrise. Gardons toujours à l’esprit cette complexité des situations rencontrées. Gardons-nous de tout simplisme pontifiant, omnipotent ! Et pour paraphraser Albert Camus, notre humanité se dit dans la fidélité à nos limites. Est-ce encore audible ? C’est pourtant bien ce que vient nous redire cette loi.
Des soins palliatifs à la médecine palliative
Parler de soins palliatifs à un malade, à une famille signifie que tout est fini, un couperet comme le « sana » en d’autres temps. Il est urgent que nous changions de culture. Parlons de médecine palliative. Enseignons à nos étudiants cette quête de sens, cette démarche d’anticipation qui la caractérisent, ces soins au plus près du malade. Elle nous oblige à un colloque à hauteur de cœurs, à la fidélité à la parole donnée aux patients et leurs familles. Cette médecine palliative est le socle qui fait cruellement défaut à la loi Leonetti pour sa diffusion. Sortons de ce carcan de maitrise scientifique obsédée par le curatif. Nous pouvons proposer autre chose. Tout est à faire quand il n’y a plus rien à faire.
Risques de glissements. Quelle est notre intention ?
Sédation en phase terminale, sédation terminale, sédation continue, sédation intermittente, euthanasie, suicide assisté. Quelles sont les nuances qui différencient ces notions ? N’y a t-il pas un risque de glissement imperceptible de l’une à l’autre ? Ne risque-t-on pas de traverser le Rubicon sans s’en rendre compte? Devant des notions aussi proches, utilisées pour des situations aussi complexes et douloureuses, ne devons-nous pas expliciter clairement nos intentions ? La loi Leonetti nous offre cet espace où nos intentions peuvent s’exprimer en toute liberté et en vérité. La collégialité, cadre de cette expression, est la meilleure garante de la justesse de cette intention. La nouvelle échéance parlementaire devrait être précédée par une définition précise de toutes ces notions pour la sincérité des débats. En prenant les mots les uns pour les autres, nous risquons de plonger dans le non-sens et aboutir à une loi qui n’en sera pas une.
Décision collégiale et responsabilité d’un seul
Méfions-nous des fausses bonnes idées. Les directives anticipées peuvent en être. Savez-vous de quoi demain sera fait ? Savez-vous dans quelles dispositions d’esprit vous serez arrivés au pied du mur ? Comme 95% des français vous ne supportez pas l’idée d’un acharnement. Quel est le sens de ce texte in fine désincarné ? Peut-il motiver une injonction aux soignants, au médecin en charge du patient ? Là aussi, il y a un grave risque de dérive. A contrario, la personne de confiance est une vraie bonne idée. Elle est là pour dire qui vous êtes, ce que vous croyez, ce que vous souhaitez au plus près de l’événement. La décision prise en fin de vie est certes éclairée par plusieurs voix mais une seule prend la décision, en porte la responsabilité. Ne la faisons pas porter par la famille. Ne risquons pas d’ajouter de la culpabilité au deuil.
En ces temps où la laïcité est tant invoquée, la loi Leonetti est le lieu parfait de l’exercice de celle-ci. En effet avec cette loi, un espace laïc nous est ouvert pour que le souffle du spirituel puisse advenir et être reconnu. Ne nous confisquez pas cet essentiel ! Nous sommes jugés à ce niveau.
A propos de l’auteur :
Dr Bertrand Galichon
Médecin généraliste, Président du Centre catholique des médecins français (CCMF)
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http://findevie.catholique.fr/
http://www.fiamc.org/bioethics/fin-de-vie-en-france/
http://eglisecatholique-ci.org/index.php?page=onction