Ethique, l’autonomie serait-elle en voie d’être dépassée ?
Le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) a introduit cette nouvelle révision des lois de bioéthique avec cette question: quel monde voulons-nous pour demain ? Voilà du sens, du souffle, nous allons avoir de l’air… Ce comité des sages invite les Français à ne pas perdre de vue lors de ce débat national les implications anthropologiques et sociétales des choix qui vont être faits. Mais, il apparaît clairement qu’un fossé s’est creusé entre cette quête de sens et le niveau général de réflexion du débat limité à la technique, à l’utilité pour une autonomie affirmée. Mais nos lois évoluant, la question est : quel sera « le coup d’après » ? Pierre Le Coz dans son excellent article « Bioéthique et individualisme » publié dans le numéro d’Etudes de ce mois de mai, nous décrit bien toute cette montée en puissance inexorable de l’autonomie.
La PMA et la fin de vie interrogent notre humanité dans son essence. Notre regard sur le début et la fin de vie dit toute notre conception de l’homme. L’autonomie portée par l’individualisme ambiant domine totalement le débat et le change de visage. Lors des révisions des lois bioéthiques précédentes, la notion de responsabilité a cédé peu à peu le pas à l’individualisme. Ne sommes-nous pas passé de la loi régissant la limitation des soins (devoirs des médecins) en 2005 à celle des droits des malades en fin de vie en 2016 ? Aujourd’hui, en mettant en perspective Fin de vie et PMA, nous pressentons que cette autonomie individualiste poussée au bout de sa logique est en voie d’être remplacée par l’utilitarisme, concept d’une glaciale rationalité ? L’enfant à venir est-utile à son ou ses futurs parents ? Quelle est l’utilité sociale d’une fin de vie qui s’éternise ? La réponse est binaire, sans état d’âme, dominée par le « OU ». Utilité sociale de l’individu : oui ou non ?
Le sens doit précéder l’utile. Tant en ce qui concerne le début de la vie que sa fin, les médecins comme les soignants redoutent que la demande sociétale ne prenne le pas sur la demande médicale. La porosité distinguant ces deux requêtes nous impose une grande vigilance, rigueur. L’opposabilité des directives anticipées ne va-t-elle pas réduire l’acte de soin à une simple réparation technique sans valeur éthique. La clause de conscience deviendrait ainsi irrecevable. C’est bien le but poursuivi par le Conseil de l’Europe à propos de l’avortement… La société investie suffisamment dans la formation des médecins pour que ceux-ci répondent à ses demandes, à son service… La symbolique du sorcier, du médecin est réduite à son utilité…
Le bouchon sera demain poussé un peu plus loin et plus sèchement. L’autre jour, un journaliste m’interrogeant en tant que président du CCMF, me pose sa toute première question : quelle est la valeur économique de l’euthanasie ? Voilà la messe est dite. Nous sommes prêts pour la grande messe eugéniste et son « avenir radieux ». Notre société doit être émondée, libérée de l’inutile ! Au moins, nous serons libérés de toute mauvaise conscience éthique !…
Dr Bertrand Galichon
Président CCMF