European Congress of FEAMC

Porto 29th September -4th October 2016

La personne du malade, et celle du médecin : Références théologiques et philosophiques.

Dr. Ermanno Pavesi

 

Le terme «personne», ainsi que des expressions dérivées de la même racine – comme personnalité, personnage, personnalisation, personnification, personnel -, est utilisé habituellement dans nombreuses langues occidentales, et il ne serait pas imaginable de la substituer ou de l’éliminer. «Personne» est devenu même un synonyme pour désigner un être humain, mais avec une signification particulière : quand on parle d’un être humain en tant que personne, on lui attribue une dignité particulière. On pense à la différence entre «dire quelque chose à quelqu’un» et «dire quelque chose en personne»: il ne s’agit pas seulement de la transmission de certaines informations, mais d’un engagement émotionnel et, justement, «personnel». L’utilisation du terme personne dans formules comme «féliciter en personne», ou «faire les condoléances en personne» avec toute leur valeur humaine et affective, indique qu’ils ne sont pas des réactions automatiques aux nouvelles, mais des actions qui montrent clairement comment la relation entre deux personnes est différente de la communication qui peut se produire entre deux automates. L’utilisation du mot personne pour désigner un être humain lui donne une dignité particulière et souligne la dimension typiquement humaine.

 

Étymologie et modification du sens de « personne »

Le mot personne vient du latin persona, qui indiquait le masque de scène que les acteurs portaient dans le théâtre. Les masques avaient des traits qui caractérisaient le rôle des acteurs et avaient également une grande bouche faite afin d’élargir le ton de la voix. Cette dernière caractéristique, c’est-à-dire le fait que la voix de l’acteur retentissait à travers le masque, a suggéré l’idée que persona dérivait du verbe personare, que signifie résonner à travers. Les spécialistes, cependant, font remonter persona à la racine étrusque phersu ce que signifiait masque. Avec le temps, le terme «personne» a indiqué celui qui joue un rôle. Mais seulement avec le christianisme, le terme «personne» a acquis une signification plus profonde, désignant chaque être humain sans distinction, avec son unicité irrépétible et ouvert à la transcendance.

« L’histoire du concept de personne est marquée par de profondes mutations, puisque de l’idée de masque, de rôle, il en est venu à signifier l’homme comme capable de Dieu, pour finalement s’identifier dans la modernité à la seule conscience de soi ». Mais si la dimension personnelle est liée uniquement à la conscience de soi, le monde moderne « a pu retirer à certains hommes le droit d’être reconnus comme de personnes uniques ».

 

De la découverte de l’âme par Socrate au concept de personne

Les premiers philosophes de la Grèce antique, les présocratiques, avaient une conception naturaliste de l’homme et, dans les siècles suivants, la théorie humorale a expliqué toute l’activité psychique comme le produit de processus somatiques.  Dans un dialogue platonicien Socrate (470 a.C./469 a.C.-399 a.C) explique pourquoi, même si condamné à mort par les autorités athéniennes, n’a pas accepté l’aide que ses amis lui avaient offerte pour échapper à la prison et fuir à l’étranger. « Les Athéniens ayant décidé qu’il était mieux de me condamner, j’ai moi aussi, pour cette raison, décidé qu’il était meilleur pour moi d’être assis en cet endroit et plus juste de rester ici et de subir la peine qu’ils m’ont imposée. Car, par le chien, il y a beau temps, je crois, que ces muscles et ces os seraient à Mégare ou en Béotie, emportés par l’idée du meilleur, si je ne jugeais pas plus juste et plus beau, au lieu de m’évader et de fuir comme un esclave, de payer à l’État la peine qu’il ordonne ». Socrate souligne que, si l’homme n’était rien de plus que son corps lui se serait déjà trouvé à l’étranger conduit par l’instinct de conservation, mais l’homme possède une âme et pour cette raison il jugeait plus juste rester en prison et accepter la mort. Socrate distingue entre le corps et l’âme, et considère la dignité de l’âme plus importante de l’intégrité du corps. Pour le philosophe italien Giovanni Reale (1931-2014), la distinction entre le corps et l’âme introduite par Socrate est non seulement un point tournant de la philosophie antique, mais aussi un fondement de la civilisation occidentale. Ce fondement « […] a un caractère avant tout moral et spirituel : il s’agit de la découverte de la nature de l’homme comme psyché, donc avec la capacité de comprendre et de vouloir et, par suite, le discernement du devoir essentiel avec le « soin de l’ âme ». Pour Socrate « ni le corps, ni le corps et l’âme ensemble  ne sont l’homme, mais  il faut que l’homme, c’est l’âme » .

La philosophie grecque se trouvait en difficulté pour expliquer la relation corps-âme c’est-à-dire comment une âme spirituelle, éventuellement immortelle, pourrait se joindre à un corps matériel et mortel. Pour cela, elle essayait d’identifier l’homme ou avec son corps, en regardant les activités psychiques comme propriétés du corps, ou avec son âme, en considérant le corps comme quelque chose d’étranger, une sorte de prison pour l’âme. Seul le christianisme, même dans le sillage de la tradition de l’Ancien Testament, avec le récit biblique de la création, a permis de surmonter ces difficultés : toute la création, même les choses matérielles, correspondent au plan divin et sont bonnes, et l’homme a été créé même à l’image et à la ressemblance de Dieu. « Le fondement spirituel de l’Europe peut être considéré comme un sommet du point de vue axiologique […], est l’un des concepts clés du christianisme, le concept d’‚homme’ considéré comme une ‚personne’, avec la réévaluation inévitable du corps humain. Malgré leur très haute notion de psyché (qui y menait), les Grecs ne sont jamais parvenus à la notion de „personne“ ; alors qu’ils avaient une vision plutôt négative du corps ».

Dans chaque culture, il existe une relation précise entre l’image de Dieu, de l’homme et du monde. Seule l’idée de « Dieu en tant que personne » a permis le développement du concept de « l’homme en tant que personne ». L’homme en tant que personne et Dieu en tant que personne sont « […] deux concepts qui fournissent la clé de voûte de la “révolution” chrétienne, et qui ouvrent des horizons totalement nouveaux pour l’esprit humain: il s’agit du concept de “l’homme en tant que personne”, complètement inconnu de la pensée grecque et des autres cultures, en lien avec le concept de “Dieu en tant que personne” qui met en place un rapport direct avec chacun des hommes et dont dépend la notion même de l’homme-personne ».

 

L’homme capable de discernement et de contrôler ses actes

Avec l’idée de l’homme en tant que personne sont étroitement liés au moins deux fonctions mentales: la raison et le libre arbitre.

Avec la raison, l’homme est capable de connaitre soi-même, les autres et le monde autour de lui. Il est également en mesure de faire des jugements moraux, pour évaluer la bonté ou le mauvais des actions.

L’homme est soumis à nombreuses influences internes, comme sa prédisposition génétique et ses fonctions somatiques, aussi bien que externes, mais en dépit de ces contraintes il-y-a toujours place pour le libre arbitre, qui permet de choisir entre différentes options, en tenant compte ou moins d’évaluations morales.

Avec l’affirmation du christianisme, le concept de personne est devenu fondamental pour l’Occident chrétien. Mais la vision anthropologique chrétienne devait toujours combattre conceptions déterministes qui niaient le libre arbitre, ainsi la majorité de Pères de l’Église antique se confrontaient avec l’astrologie.

 

La crise du concept de personne : le déterminisme aux universités et la Réforme protestante

Il-y-a deux événements qui ont conditionné le développement de la civilisation occidentale : la naissance de l’Université et la Réforme protestante.

Dans les nouvelles universités à partir du XI siècle on a utilisé surtout œuvres de classiques grecs mais avec commentaires hellénistiques et arabes c’est-à-dire dans une version déterministe et non-personnaliste qui niait la création, l’existence d’une âme individuelle et immortelle, ainsi bien que le libre arbitre. Cette vision matérialiste du monde a contribué au développement des sciences naturelles, et représente la «[…] condition de la concevabilité de la nature»,  mais a déterminé aussi la crise de la vision de l’homme en tant que personne, ce qui n’a pas provoqué seulement la réaction de théologiens comme Albert le Grand (1193 ev. 1207 – 1280), Bonaventure (1221-1274) et Thomas d’Aquin (1225, ou 1226 – 1274)  mais aussi la naissance en Italie de l’Humanisme.

Une des œuvres plus importantes de Martin Luther (1483-1546), le père de la Réforme protestante, c’est « Le serf arbitre » dédié à réfuter la théorie du « libre arbitre ». L’homme ne pourrait pas choisir entre possibilités différentes mais sa volonté serait déterminée, même « possédée »  par Dieu ou Satan : « Ainsi la volonté humaine est placée au milieu comme une bête de somme ; si Dieu la monte, elle veut et va où Dieu veut, comme dit le psaume : Je suis devenu comme une bête de somme et je suis toujours avec toi. Si Satan la monte, elle veut et va où veut Satan, et il n’est pas au pouvoir de l’homme de choisir le cavalier pour courir ou pour le chercher ; les cavaliers luttent pour l’avoir et le posséder ». Pour Luther la négation du libre arbitre représente la question fondamentale dans sa polémique avec l’Eglise et reconnait à l’humaniste Érasme de Rotterdam (1466-1536) le mérite de l’avoir compris : « vous [Érasme] ne m’avez pas inquiété avec des questions sur la papauté, le purgatoire, les indulgences, des bagatelles plutôt que des questions … vous et vous seul, avez vu la charnière sur laquelle tout tourne et vous êtes allé au point essentiel ». Luther a défini la raison come une prostituée qui peut seulement séduire l’homme et s’est moqué des personnes vertueuses qui pensent pouvoir distinguer entre le bien et le mal avec leur raison, et faire des choix libres avec leur libre arbitre. En vérité l’homme serait dominé par les passions, surtout la concupiscence. Pour Luther l’homme est chair, toute l’humanité est chair.

Naturalisme des universités et anthropologie de Luther bien que différents présentent aussi des analogies : ils nient la dimension personnelle de l’homme, qui soupçonne de prendre des décisions ou agir librement, en vérité, il serait déterminé ou par êtres surnaturels ou par forces naturelles.

Ces vues déterministes ont influencé la culture moderne, en abandonnant progressivement la conception traditionnelle de l’homme en tant que personne, c’est-à-dire capable de discernement et de libre arbitre.

 

L’oubli de la personne

Le philosophe allemande Romano Guardini (1895-1968) a décrit cette évolution de la pensée occidentale : « Nous avons vu que, depuis le début des temps modernes, une culture non chrétienne s’élabore. Pendant longtemps, cette négation ne s’adresse qu’au contenu de la Révélation lui-même, non pas aux valeurs éthiques, soit individuelles, soit sociales, qui se sont développées sous son influence. Au contraire, la culture des temps modernes prétend précisément reposer sur ces valeurs. Selon ce point de vue, largement adopté par l’étude de l’histoire, des valeurs comme par exemple la personne, la liberté, la responsabilité et la dignité individuelles, l’estime réciproque, l’entr’aide, sont de possibilités innées chez l’homme que les temps modernes ont découvertes et développées. Sans doute, la culture humaine aux premiers temps du christianisme, a favorisé leur germination, de même elles ont été développées par la culture religieuse de la vie intérieure et de la charité active au cours du moyen âge. Mais, ajoute-t-on, cette autonomie de la personne a pris conscience d’elle-même et est devenue une conquête naturelle indépendante du christianisme. Ce point de vue s’exprime de multiples façons et d’une manière particulièrement représentative dans les droits de l’homme, au temps de la Révolution française.

Mais en vérité, ces valeurs et ces attitudes sont liées à la Révélation. Celle-ci se trouve en effet dans un rapport particulier avec l’humain  immédiat. […] L’homme est essentiellement personne, mais celle-ci devient visible au regard et la volonté morale peut l’affirmer seulement  quand la Révélation  rend accessible, par l’adoption comme enfant de Dieu et par  la Providence, le rapport au Dieu personnel et vivant ».

 

L’absence de dimension personnelle humaine exclut l’existence d’un élément qui puisse intégrer les multiples aspects de l’être humain, et, il faut ajouter, qui puisse reconnaître le sens de la vie, et ensuite subordonner tous les fonctions psychiques à une fin déterminée. Sans ce principe hégémonique il y a le risque d’une fragmentation de l’être humain avec la prédominance d’une fonction sur l’autre qui prétend de caractériser l’homme tout entier. En fait, le rejet de la dimension personnelle de l’homme conduit à différents formes de relativisme.  Il s’agit aussi d’un relativisme morale : l’homme moderne est le créateur arbitraire de ses notions morales

« L’homme que conçoivent les temps modernes n’existe pas. Sans cesse ils tentent de l’enfermer dans des catégories auxquelles il n’appartient pas : mécaniques, biologiques, psychologiques, sociologiques, toutes variations de la volonté foncière de faire de lui un être qui soit « nature », fût-ce une nature douée d’esprit. Mais il y a une chose qu’ils ne voient pas, qu’il est, cependant, d’abord et absolument : une personne finie qui existe en tant que telle, même si elle ne veut pas, même si elle nie sa propre essence. Appelée par Dieu, en relation avec les choses et avec les autres personnes. Une personne qui possède la liberté magnifique et terrible de pouvoir maintenir le monde ou le détruire, bien plus : de pouvoir s’affirmer et s’accomplir elle-même ou s’abandonner et se perdre ».

 

La dignité de la personne liée à l’anthropologie chrétienne

 

Le Catéchisme de l’Église Catholique enseigne : « Parce qu’il est à l’image de Dieu l’individu humain a la dignité de personne : il n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un. Il est capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes, et il est appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir une réponse de foi et d’amour que nul autre ne peut donner à sa place ».

La vision chrétienne de l’homme surmonte le dualisme de corps et âme, comme souligne le Catéchisme de l’Église Catholique : « L’unité de l’âme et du corps est si profonde que l’on doit considérer l’âme comme la ” forme ” du corps (cf. Cc. Vienne en 1312 : DS 902) ; c’est-à-dire, c’est grâce à l’âme spirituelle que le corps constitué de matière est un corps humain et vivant ; l’esprit et la matière, dans l’homme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme une unique nature ».

Le refus de la vision personnaliste rompt cette unité et il n’origine pas seulement différentes formes de relativisme, mais aussi de conceptions utopiques. En fait la négation de l’homme comme unité individuelle et unique de corps et âme conduit à deux possibilités opposées : la négation de l’âme comme entité autonome avec la réduction de tous les fonctions supérieures à mécanismes déterminés par forces matérielles d’une coté, ou d’autre coté le déracinement de l’activité mentale de son fondement somatique et vital, avec une conception radicale de l’autonomie et de la liberté que ne veut pas accepter la fragilité, voir même la mortalité humaine ou les limites de sa propre nature. Le corps est vécu comme une prison de laquelle on doit échapper et s’émanciper.

 

Perspectives de 1re, de la 2nd et de la 3e personne

La négation de l’âme comme entité autonome comporte aussi la dévalorisation du rôle de la conscience et du libre arbitre et on cherche d’expliquer l’activité humaine d’un point de vue objectif, c’est-à-dire de la perspective en 3e personne.  En fait il y a trois points de vue pour comprendre et décrire le comportement humain, qui sont définis respectivement comme la perspective de la 1re, de la 2nd et de la 3e personne : La perspective de la 1re personne est l’explication que le sujet lui-même peut donner de ses actes; la perspective de la 2nd personne correspond plutôt à l’interprétation du comportement de l’autre que nous pouvons donner en nous identifiant en lui sur la base de nos expériences subjectives, avec notre empathie; la perspective de la 3e personne essaye d’interpréter le comportement humain sur la base de critères objectifs et si possible scientifiques.

La majorité des psychologies modernes préfèrent la perspective de la 3e personne, et dévalorisent les deux autres points de vue qui représenteraient des interprétations naïves du comportement humain. Dans la perspective de la première personne le sujet s’illusionnerai d’être maître de ses propres pensées et actions, et donc de savoir exactement pourquoi il pense ou se comporte d’une manière particulière. Cette auto-conscience ne serait qu’une fausse conscience. La perspective de la 2nd personne, qui est également basée sur la conscience que chacun a de soi, conduirait à construire une psychologie populaire qui manque d’un fondement scientifique. Seule la perspective de la 3e personne pourrait expliquer les vraies causes réelles du comportement humain et être considérée comme scientifique.

 

Approches réductionnistes

Comme a décrit Guardini, les sciences modernes réduisent l’homme à catégories mécaniques, biologiques, psychologiques, sociales, mais aussi spirituelles. Visions réductionnistes ont implications importantes pour la compréhension des causes de l’activité psychique et du comportement humain et ont influencé les théories médicales et la relation médecin-patient.

 

Approche biologique : Déjà le philosophe René Descartes (1596-1650) a parlé du corps humain comme de la machine du corps, mais après lui un autre philosophe français, Julien Offray de La Mettrie (1709-1751), n’a pas considéré seulement le corps mais tout l’homme comme une machine. Les progrès des sciences naturelles ont permis de clarifier certains aspects du fonctionnement du corps et mécanismes de la maladie. Au XVIIe siècle on a déjà développé de théories iatromécaniques et iatrochimiques qui cherchaient à expliquer tous les actes vitaux, en santé ou en maladie, par l’intervention de forces mécaniques ou par opérations chimiques. Avec le temps ce paradigme c’est évolué jusqu’au présent : nous connaissons les mécanismes biologiques de beaucoup de fonctions et de troubles, et avons développé de médicaments efficaces, mais il y a le risque de réductionnisme. Par exemple, par le fait que individus dépressifs présentent une diminution de l’activité d’amines biogènes, principalement de la sérotonine, la dépression a été considérée simplement comme un trouble provoqué par un déficit de sérotonine à niveau de la synapse et on a développé une nouvelle classe des médicaments, les SSRI les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. Ces médicaments bien que beaucoup plus sélectifs que les premiers antidépresseurs ils ne montrent pas une majeure efficacité et beaucoup d’états dépressifs sont plus ou moins résistants à la thérapie pharmacologique. C’est-à-dire, les antidépresseurs peuvent soulager certains symptômes de la dépression mais il n’est pas possible limiter le traitement de tous les cas de dépression uniquement à la prescription d’un antidépresseur.

 

Approche psychologique : La majorité des écoles psychologiques modernes ne croit pas à l’existence d’une âme spirituelle, se limite à prendre en considération seulement fonctions psychiques et a une approche matérialiste et naturaliste. Elles soutiennent que tous les êtres ont la capacité de se développer s’ils ne sont pas empêchés et que les troubles dépendent de facteurs qui empêchent le développement spontané et naturel, et supposent aussi un conflit profond entre nature et culture.

En ce qui concerne la psychologie des profondeurs, on pourrait penser à une discipline qui est concernée par les aspects les plus profonds de l’âme humaine, c’est-à-dire de ce qui est le plus humain dans l’homme. Mais pour Sigmund Freud (1856-1939), le fondateur de la psychanalyse, ces profondeurs correspondent à la base biologique de l’activité psychique et instinctive. Pour Freud la psychanalyse peut expliquer l’activité psychique mieux qu’autres théories, mais ses explications sont encore provisoires et inexactes et tous les doutes seront surmontés lorsque il sera possible expliquer les mécanismes psychiques en termes physiques et chimiques.

Le courant de psychologie behavioriste critique tous les théories qui cherchent d’expliquer l’activité psychique et le comportement humain en s’appuyant aux donnés de la conscience et se propose d’étudier le comportement humain seulement avec l’observation du comportement. On devrait étudier l’homme exactement comme le fait la psychologie animale. Elle soutienne que la psychologie humaine doit renoncer à la perspective en première et deuxième personne, c’est-à-dire à prendre en considération la subjectivité, et de se limiter à considérer le comportement comme une réaction à un stimulus. Entre le stimulus et la réaction il n’y aurait pas place pour l’individualité.

 

Aussi les soi-disant psychologies personnalistes ont une approche matérialiste. Per exemple l’approche centrée sur la personne développée par Carl Rogers (1902-1987) soutienne que dans chaque être et ainsi dans l‘homme il-y-a une tendance à la réalisation de soi, c’est à dire à l’actualisation de la prédisposition biologique et des instincts. Troubles psychiques seraient provoqués par blocages dues à l’éducation et à les conventions et conditionnements sociaux. Pour Rogers l’individu doit avoir confiance en son « organisme », cependant  raison et l’intelligence ne devraient pas s’orienter aux valeurs, mais permettre aux sentiments et aux passions de fluer librement. C’est le paradoxe d’une approche qui se nomme centrée sur la personne mais que proclame d’avoir confiance en l’organisme plutôt que dans la conscience morale.  

 

Approche sociologique : Dans son livre « Les sciences sociales non maîtrisées, ou le anéantissement de l’homme », le sociologue allemand Friedrich Tenbruck (1919-1994) a décrit comme les formes plus radicales de la sociologie expliquent les actes humains uniquement comme le produit de forces et lois sociales.  C’est à dire, il n’y aurait pas de place pour de décisions libres de l’individu : activités mentales et comportement seraient déterminées par des facteurs sociaux et seule la sociologie serait capable de reconnaître ces facteurs et les lois qui les régissent.

L’application des principes de la sociologie à la médecine est à la base de la thérapie systémique. Les thérapies que s’inspirent au model systémique examinent les troubles psychologiques et comportementaux d’une personne comme un symptôme du dysfonctionnement du son groupe d’appartenance, généralement d’une famille considérée dysfonctionnelle. Seulement la théorie du groupe pourrait expliquer l’origine de la maladie et proposer l’unique thérapie efficace, tandis que autres thérapies sont considérées comme inutiles ou même nuisibles. Il n’y-a pas de doute que le comportement des membres d’une famille peut influencer le décours d’une infirmité. Certes, les rapports dans une famille peuvent provoquer de troubles en un membre, mais si on explique chaque trouble avec de causes sociales il s’agit d’une dérive idéologique.

 

Approche spiritualiste : les « religions de guérison ». Maladie et santé physique jouent un rôle particulier dans les grandes religions, par exemple dans le catholicisme il-y-a de rites particuliers comme l’onction des malades, bénédictions ou la dévotion à Marie, Salus infirmorum, Santé des infirmes, qui ont un component thérapeutique, mais ils restent marginaux. Mouvements religieuses ou ésotériques comme la Science chrétienne, la Scientologie, le Reiki etc. avec leur vision spiritualiste et  en niant la dimension corporelle de l’homme, attribuent à les maladies du corps une origine psychique ou spirituelle. Pour ces groupes, qualifiés comme « religions de guérison », maladie ou trouble et la guérison jouent  un rôle central et seulement un traitement psychique ou spirituel pourrait avoir succès.

 

De la négation de la réalité de la nature humaine à l’Utopie de la santé parfaite et à l’idéologie de l’amélioration humaine

La vision personnelle de l’homme implique que l’homme possède une nature déterminée orientée à une fin, à un but à réaliser, mais aussi que l’homme est un être fragile. L’homme modern n’accepte plus limites et fragilité, et que la thérapie ne peut pas obtenir toujours une guérison complète. La médecine devrait poursuivre l’utopie de la santé parfaite, c’est à dire pas seulement se limiter à traiter les maladies, mais satisfaire tous les désires du client (il ne doit pas être nécessairement un malade) jusqu’à chercher d’améliorer l’être humain. L’amélioration humaine (Human enhancement technologies : HET) se réfère à des tentatives de surmonter faiblesses et limites du corps humain surtout en utilisant les nouvelles technologies, comme l’informatique, les biotechnologies, les nanotechnologies, etc.

 

Conclusion

 

Le refus de la dimension de la personne ouvre deux possibilités pour le malade et ainsi bien pour le médecin. Le malade peut être considéré comme une machine, comme un objet sans âme, qui ne peut jouer pas un rôle actif  dans la thérapie. Fréquemment le malade dans l’hôpital est seulement le nombre de son lit, ou un cas identifié par le code d’une classification des maladies, d’autre coté le malade devient un « client » et sa volonté devient la loi suprême : voluntas aegroti  suprema lex, une volonté absolue, sans égards pour les limites de sa nature ou pour la volonté et la conscience du médecin. Le médecin, de son coté, est considéré souvent seulement comme une ressource du système sanitaire qui doit fournir sans discuter ses prestations, imposées par l’organisation ou par les désirs du « client ». D’autre côté il peut devenir une sorte d’apprenti sorcier qui peut expérimenter et manipuler la nature humaine sans aucun limite.

En ce qui concerne le réductionnisme on peut rappeler l’encyclique Laudato si’ : « La capacité de réflexion, l’argumentation, la créativité, l’interprétation, l’élaboration artistique, et d’autres capacités inédites, montrent une singularité qui transcende le domaine physique et biologique. La nouveauté qualitative qui implique le surgissement d’un être personnel dans l’univers matériel suppose une action directe de Dieu, un appel particulier à la vie et à la relation d’un Tu avec un autre tu. À partir des récits bibliques, nous considérons l’être humain comme un sujet, qui ne peut jamais être réduit à la catégorie d’objet ». L’encyclique souligne aussi qu’on doit respecter l’ordre inscrit dans la nature par ce que « Dieu a créé le monde en y inscrivant un ordre et un dynamisme que l’être humain n’a pas le droit d’ignorer », et seulement le respect de l’ordre intrinsèque de la nature peut légitimer quelconque intervention.