Voilà la tension dans laquelle se situe notre société française aujourd’hui. Laissons de coté la liberté d’avoir ou de faire, il ne s’agit que de mirages, réduits à une simple liberté de choix dans un contexte prédéfini. Je choisis là où on me dit de choisir. Notre seule source fondamentale, spirituelle est notre liberté d’être. Cette liberté ontologique fonde notre humanité, notre dignité. Relisons la Genèse !
Liberté
La liberté de faire sans la liberté d’être est une illusion, une perte d’humanité surtout dans une société libérale qui n’entend que notre utilité consommatrice. « Etre libre » ne se limite pas à un choix mais se dit dans une résolution inaliénable, vitale et responsable. Et comme il ne peut y avoir de responsabilité sans liberté, il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité. Je ne pense pas comme certains auteurs qu’il faille en faire des synonymes. Nous devons au contraire rester dans cette tension qui dit tout notre humanité. Où plaçons-nous le curseur pour faire en sorte que notre liberté commence avec celle de l’autre. « Je me dois à toi », Levinas avait fondamentalement raison. Nous aurions tendance à l’enterrer une deuxième fois !
Responsabilité
Les événements terroristes de ce mois de janvier et la troisième révision de la loi Léonetti nous invitent à reconsidérer notre responsabilité, notre liberté et par là même notre dignité. Est-ce que je me dois à l’exclus ? Est-ce que je me dois au plus faible en fin de vie ? La signification essentielle de nos vies est dans la réponse que nous apportons à ces interrogations avec un grand risque de déni d’humanité.
La question est donc aujourd’hui : sommes-nous capables d’une raison honnête en mesure de répondre à la charge émotionnelle manifestée par la France à telle ou telle occasion? Avec ces attentats, notre indifférence ontologique que nous voulons masquer sous couvert d’égalité libérale ou libertaire nous pète aujourd’hui à la gueule. Et nous sommes loin d’une réponse ajustée. Retournez la dernière « une » de Charlie Hebdo et vous verrez que « c’est pas gagné »… De la même manière ne voulant pas voir en face l’humanité de la fin de la vie, allons-nous la nier par l’euthanasie ou de façon plus soft, plus silencieuse par la sédation continue terminale ? Ne vous inquiétez pas nous allons doucement glisser de la sédation en phase terminale à la sédation terminale. Vous n’allez rien sentir !
Laïcité
La laïcité n’est pas là pour nier, pour étouffer la dimension spirituelle de l’Homme dans une sphère privée réduite au silence. Elle doit s’engager pour que cette spiritualité puisse se dire en toute liberté et responsabilité. Ma liberté est d’être moi-même pour l’autre. Que puis-je apporter à l’autre si je suis cet autre ? Que puis-je lui apporter si je me fonds avec lui dans une émotion « correctement sociétale et cathodique». Ainsi, je ne suis pas Charlie mais avec. Et ce d’autant plus que j’ai pu accueillir aux urgences des blessés de cet attentat et toucher du doigt qu’entre eux et nous soignants un indicible nous séparait. Ils arrivaient d’un ailleurs qui fait que je ne pouvais qu’être respectueusement avec. Je soutiens d’autant plus Charlie Hebdo que je ne suis pas Charlie. Je considère qu’entre humour et satire il y a une intention séparant ces deux mots comme un curseur. Nous ne pouvons pas même dans un souci d’égalité libertaire gommer cette différence. Les dessins de Charlie Hebdo sont-ils la pointe de l’expression d’une laïcité libérée?
Il ne faut pas que nous fassions de la laïcité une valeur d’égalité mais au contraire et avant tout une valeur de liberté. Nous avons trop tendance à vouloir être égalitaires et ne voir qu’une seule tête bien normée. L’équité n’est pas le fort de cette laïcité à la française ajustée au plus petit dénominateur commun ! Faisons donc de l’écologie en préservant notre humaine diversité ! Cultivons plus encore la subtile intelligence qui doit faire dialoguer liberté, égalité et fraternité !
Spiritualité
La spiritualité est le cœur vivant de tout homme, la source de cette intelligence nécessaire. Ce souffle vital en est la marque exclusive. Elle exprime toute notre dignité. Il est soulageant, émondant d’en rire. Mais, il est méchant d’en faire la satire. Faisons attention, nous ne pouvons plus nous payer le luxe de glisser d’un mot sur l’autre et de masquer ainsi nos intentions premières. Préservons cet essentiel qui fait sens.
Dr. Bertrand Galichon, Président du CCMF