Le rideau est tombé sur cet acte européen et important du drame de Vincent Lambert. Nous en gardons tous, quelle que soit notre position, un sentiment confus et grave d’insatisfaction. Pas de cri de victoire !… Pas de lamentation !… Nous en sommes toujours au même point, cela veut bien dire que la mort sera toujours pour nous tous en ce bas monde un mystère. Et de plus, nous savons bien que notre savoir scientifico-technique médical continuant d’avancer sans réflexion suffisante sur notre humanité, sera à l’origine de bien d’autres « Vincent Lambert », situations douloureuses, complexes et inextricables.
Une justice limitée à son objet. Cet arrêt n’a pas répondu à la question posée par la famille et il ne pouvait pas le faire. Pour une raison simple, la demande de maintien en vie n’est pas une question juridique. La justice ne dit que le légal et l’illégal ! Fait-elle sens ? La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ne renvoie-t-elle pas toutes les parties dos à dos, la mère, la femme, l’Etat français ? La mère de Vincent Lambert réaffirme sa volonté de poursuivre le combat pour le maintien en vie de son fils. Pour qui le veut absolument, il y a toujours un nouvel acte juridique à jouer, un nouveau pion à pousser… Mais il est à craindre que les pérégrinations juridiques de ce dossier fassent preuve du même immobilisme que l’intéressé lui-même. Et le dossier « Lambert » va poursuivre sa route en marge de la vraie question posée!
Un seul outil de réflexion ne peut donner qu’une réponse incomplète donc insatisfaisante. Nous sommes dans un débat autour de la dignité. Et la justice ne la définit qu’en listant les atteintes par une approche en négatif. Personne n’est en mesure de définir la dignité. Il nous faut trouver un autre outil de réflexion! Où sont passées la philosophie et la théologie ? Pourquoi nous couper de tels champs d’exploration? Sommes-nous que des êtres de contrats ?
Notre altérité est ailleurs ! Nous ne pouvons pas faire éternellement abstraction de la transcendance qui domine qu’on le veuille ou non, les débats autour de Vincent Lambert ou d’autres. Nous ne pouvons pas vouloir continuer à nous conduire en frères sans parler de la source de cette fraternité. La théologie vient aider la démocratie à se révéler à elle-même et pour elle-même. Quelle lourde et exigeante responsabilité pour les hommes de Foi qui veulent être ajustés à leur temps! Jean-Guilhem Xerri nous rappelle dans son dernier livre* que cet engagement est incontournable. C’est aussi une exhortation de notre Pape François.
Une portée humaine. Cet arrêt a répondu très clairement que les soignants intervenant au pré de Vincent Lambert ont respecté les bonnes pratiques médicales, ont agi avec humanité en respectant les termes de la loi. Les qualités humaines et professionnelles de ces hommes et de ces femmes ont été reconnues. Voilà pour eux un soulagement important, eux qui ont souffert au plus intime d’eux-mêmes. Voilà une avancée importante qui va permettre au débat de changer de dimension, à notre réflexion d’aller plus avant pour tenter une réponse.
Une avancée européenne. Cet arrêt a permis en publiant l’avis minoritaire, d’approfondir notre réflexion et de préciser certains concepts. Plusieurs avis d’origines différentes ont pu s’exprimer générant un débat pluriel. On réfléchit mieux à plusieurs cerveaux. Certains concepts, comme traitements et soins, ont pu être précisés jetant ainsi les bases d’une réflexion commune et probablement d’une jurisprudence européenne. Entre transgression de l’interdit et maltraitance, nous devons trouver une réponse juste, cohérente sur cette ligne de crête. Ainsi, cette « affaire Vincent Lambert » n’est pas inutile.
Dr. Bertrand Galichon Président CCMF
http://blin2.fr/ccmf/accueil.html
(Membre de la FIAMC)
* « A quoi sert un chrétien ? » Jean-Guilhem Xerri, les éditions du Cerf, Paris 2014, 273 p. cf chronique 10 février 2015