Chers Amis,
Ce texte m’a plu. Je le partage. (cf. sous ma signature)
J’y retrouve une concordance totale avec les pbs éthiques en génétique. Et ce n’est pas la première fois. En effet lors de mes interventions sur l’évolution du diagnostic anténatal en 40 ans, en conclusion, je paraphrase une phrase de Didier Sicard parlant de la mort :
«En trente ans, la société est devenue intolérante à l’agonie, avec l’idée que cela ne doit pas durer, que la force d’une société ce sont les vivants, et que d’une certaine façon, les mourants doivent s’adapter. Cette pression sociale peut aboutir à ce que des médecins se retrouvent dans la radicalité.» D Sicard
comme ceci : « En quarante ans, la société est devenue intolérante à l’anormalité, avec l’idée que cela ne doit pas exister, que la force d’une société ce sont les normaux, et que d’une certaine façon, les handicapés doivent s’adapter. Cette pression sociale peut aboutir à ce que des médecins se retrouvent dans la radicalité. »
On peut faire de même avec ce texte.
Amicalement
georges
Edito – « Vivants jusqu’à la mort »
par Bernadette Fabregas.
« Vivants jusqu’à la mort », titre d’un ouvrage du sociologue Tanguy Châtel, point de départ mais aussi point d’arrivée de la notion du « prendre soin » jusqu’à la fin de vie qui place tout soignant au coeur d’une problématique existentielle complexe. Lors des Journées francophones des aides-soignants, les 21 et 22 janvier à Paris, cette question a occupé les débats ou comment, selon Tanguy Châtel, la « bonne mort » et le « bon soin » doivent s’articuler pour parvenir, via la voie palliative, à proposer au patient en fin de vie une réponse juste au juste moment…
Il est éclairant d’avoir aujourd’hui en tête les fondements et les principes antiques du soin édictés en son temps par Hippocrate « Guérir parfois, soulager souvent, réconforter toujours ».
« Prendre soin » et non plus « prendre en charge »… Lorsque la maladie, la souffrance, la dépendance et l’angoisse impactent la dynamique de vie de l’individu, lui faisant entrevoir une fin qui peut être proche, l’approche soignante se teinte plus encore d’écoute, d’attention, de soutien, d’empathie et ce dans une démarche d’accompagnement éthique qui replace l’homme souffrant au coeur du raisonnement. Mais, comme l’a rappelé Dominique Le Pestipon, responsable pédagogique des Journées francophones des aides-soignants, le concept du « prendre soin » intègre à la fois une conception de soin humaniste encadré par des savoir-faire, une législation et une démarche éthique. Quant à la vision humaniste de la santé et de la maladie, elle offre aux soignants un vaste terrain où peut s’exprimer leurs propres valeurs et ce, dans le respect de celles des patients mais aussi de leurs volontés.
L’actualité du moment est opportune à la réflexion. En effet, la loi Claeys – Leonetti sur la fin de vie, en débat parlementaire pour une adoption vraisemblablement définitive du texte en février, s’intitule à présent Proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie. 13 articles finalisés et parmi eux, l’article 2 qui revoit la définition de l’obstination déraisonnable, correspondant désormais à des actes qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie et un article 3 qui instaure le droit à une sédation profonde et continue à la demande du patient afin d’éviter toute souffrance et ne pas subir d’obstination déraisonnable.
La loi évolue, les attentes de chacun également à l’heure où l’espérance de vie est certes de plus en plus longue mais quid de l’espérance de vie en bonne santé… Le sociologue Tanguy Châtel1 a rappelé lors de son intervention intitulée Le concept de soins de « support, palliatif et fin de vie » à travers le temps et selon les différentes cultures que nous étions les héritiers de siècles de réflexions mais aussi d’impasses sur cette notion du « prendre soin » et plus encore à l’approche de la mort. Il est éclairant d’avoir aujourd’hui en tête les fondements et les principes antiques du soin édictés en son temps par Hippocrate Guérir parfois, soulager souvent, réconforter toujours. Cette approche globale de l’individu souffrant conjuguant le corporel et le spirituel est aujourd’hui à interroger dans le cadre des soins en fin de vie. Comment s’applique-t-elle à l’heure où l’on soigne parfois à tout prix sans guérir pour autant, où l’on peut soulager la douleur jusqu’à la sédation profonde et où le réconfort est un bien faible mot devant les affres existentielles face à la mort ? Le risque sociétal, dans un désir de toute puissance et d’immortalité, n’est-il pas de mettre à mort la mort comme l’écrit le Dr Laurent Alexandre 2 notamment avec l’apport de la biotechnologie, bouleversant ainsi l’humanité et sa notion de finitude ?
Tanguy Châtel s’interroge Faut-il nous sauver à tout prix de la mort et de la souffrance, avoir réponse à tout, y compris sur les souffrances existentielles propres à chacun ? Deviendra-t-on des hommes « augmentés » ? N’aurons-nous plus besoin de soignants mais de garagistes ? Pour certains, le choix de l’euthanasie active qui se pratique au-delà de nos frontières, est une solution « provoquée » et radicale pour ce que l’individu souhaite « contrôler » : sa propre mort. Autant de questions que l’on se doit d’aborder avec respect mais qui préfigurent un changement de paradigme déjà en marche dans l’idée de devoir organiser sa mort, vivre à tout prix, disposer d’une mort propre et sûre. Pour le sociologue, on constate aujourd’hui l’inversion suivante : la volonté s’impose à la vie alors qu’avant la vie s’imposait à la volonté. Matérialiser la mort c’est aussi la déspiritualiser alors que la fin de vie est aussi un chemin d’élaboration psychique. Et de rappeler l’intérêt de la voie palliative, la plus éthique possible, qui, entre « faire vivre » et « faire mourir » emprunte le meilleur des deux pour laisser mourir en accompagnant.
Si les unités de soins palliatifs et leurs personnels soignants, formés (car cela est indispensable), ont acquis cette culture du prendre soin en fin de vie, faut-il pour autant en faire une « spécialité » s’interroge Tanguy Châtel. Que fait-on à l’heure de la tarification à l’activité dans les établissements de santé des temps d’écoute, de disponibilité, d’attention dispensés aux patients, notamment par les aides-soignants, et non pris en compte, comme des temps qui n’existe pas puisque non côtés alors qu’ils constituent l’essence même du soin qui conjugue dans l’absolu exigence technique et humanité ?
L’art du prendre soin moderne, cette manière d’accompagner au regard de ce que la médecine nous offre de plus performant est à défendre par tout soignant car c’est lui qui le construit, qui l’éprouve et qui en perçoit tous les jours les finalités bénéfiques auprès de la personne soignée, qu’elle soit en période curative et plus encore palliative.
Notes
Tanguy Châtel, “Vivants jusqu’à la mort : Accompagner la souffrance spirituelle en fin de vie”, Editions Albin Michel, 2013
Laurent Alexandre, La mort de la mort, JC Lattès Editions, 2011.
Creative Commons License
Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Infirmiers.com
bernadette.fabregas@infirmiers.com