Ce 25 juillet l’Eglise célèbre le cinquantième anniversaire de la publication de l’encyclique Humanae Vitae, de Paul VI. Ce document devait donner une orientation aux fidèles de l’Eglise sur la question précise de la contraception hormonale, découverte une dizaine d’années auparavant.
Le moment de sa publication n’avait pas été des plus favorables : l’Eglise vivait les années mouvementées qui suivaient le concile, la société civile connaissait les troubles de mai 1968 et le monde vivait dans la peur de la surpopulation. Ces circonstances expliquent en partie la réception difficile de ce document. Mais l’accueil mitigé réservé à Humanae Vitae s’explique aussi — et sans doute surtout — par le fond de la thématique abordée, qui nous concerne tous : la dignité de la personne humaine, la grandeur de l’amour humain et de la vocation au mariage, la signification profonde de l’acte conjugal et de l’ouverture à la vie.
Avec le recul, Humanae Vitae a été qualifiée de « document prophétique ». L’encyclique a reçu ce titre en raison de son numéro 17, où Paul VI annonce tout ce que pourrait impliquer la mentalité contraceptive : l’augmentation de l’infidélité conjugale, le rabaissement généralisé de la moralité, la domination de l’homme sur la femme, les pressions des pays riches sur les pays pauvres en termes de natalité… Tout cela s’est vérifié.
Mais, Humanae Vitae est aussi prophétique d’un autre point de vue, plus fondamental : en affirmant le lien indissoluble entre les dimensions unitive et procréative de l’acte conjugal, elle a rappelé quelque chose de décisif pour notre temps, et pour toutes les époques : l’amour conjugal, qui est « l’archétype de l’amour » (Benoît XVI, Deus caritas est, n. 2), est don désintéressé de toute la personne, dans sa « totalité unifiée » (Jean-Paul II, Familiaris Consortio, n. 11). Cet amour de don total nous a été révélé dès le récit de la création dans la Genèse. Il a été manifesté en plénitude sur la Croix : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). Il nous est donné chaque jour dans l’Eucharistie, où l’Eglise — en chacun de ses fidèles — devient « une seule chair » avec le Christ.
Dans un monde pressé par la course à la prestation, au rendement, où prédominent l’utilitarisme et l’intérêt personnel, on perçoit chaque jour davantage le besoin de redécouvrir le paradigme de la gratuité, du désintéressement, du don authentique de soi, sans restriction. Il nous faut redécouvrir le cœur de toute vocation humaine : « (…) l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » (Concile Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et Spes, n. 24).
Il y a une nature humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, et donc configurée par l’appel au don de soi. C’est cette nature qu’il nous faut respecter, comme l’a rappelé Benoît XVI : « L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est — me semble-t-il — largement négligé : il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine » (Discours du Bundestag 22-9-11).
Le pape François a rappelé plus d’une fois son attachement à l’encyclique de Paul VI. Dans Amoris Laetitia, il nous invite à « redécouvrir le message de l’Encyclique Humanae Vitae » (nn. 82 et 222). Nous ne pouvons que nous joindre à ce souhait du Saint-Père et œuvrer pour qu’il se réalise.
Président Bernard Ars